L'EUROPE ET LE MONDE AU 19e SIÈCLE (1815-1871)








1. LE CONGRÈS DE PAIX DE VIENNE (1814-1815)

La convocation du congrès. Les quatre grandes puissances européennes qui avaient vaincu la France de Napoléon, à savoir l'Autriche, la Russie, la Prusse et la Grande-Bretagne, ont convoqué un congrès à Vienne le 1er novembre 1814 pour mettre officiellement fin à la guerre et résoudre les problèmes qu'elle avait causés. Il s'agit du Congrès de paix de Vienne (1814-1815), qui constitue une étape importante dans l'histoire de l'Europe et du monde. La conférence a débouché sur le traité de paix du même nom (1815).

Les souverains européens cherchaient à rétablir l'"ancien régime" de privilèges féodaux aristocratiques, qui avait été fortement ébranlé par les coups qu'il avait reçus pendant la période où les Français républicains avaient été présents dans les différents pays d'Europe.

A Vienne, les souverains des puissances victorieuses et leurs diplomates se réunissaient et négociaient pour régler ensemble les diverses questions nées de la guerre et pour concilier les aspirations de leurs pays, mais leurs intérêts particuliers ne coïncidaient pas. Ils ne s'accordaient que sur la restriction de la France à ses frontières d'avant-guerre et sur la restauration de l'ancien régime territorial et politique dans les autres pays d'Europe.

La restauration* de "l'ancien régime". Les questions territoriales et politiques en Europe furent traitées (après l'admission de la France vaincue au congrès) par trois hommes en particulier, le ministre britannique des Affaires étrangères, le comte Casslary, le chancelier autrichien, le prince Metternich, qui présidait le congrès, et le ministre français des Affaires étrangères, Talleyrand.

Tous trois pensaient qu'en restaurant l'"ancien régime", il était possible d'endiguer les forces de subversion que la Révolution française avait engendrées. Avec les souverains couronnés d'Europe, ils étaient convaincus que les empires multiethniques* du vieux continent servaient - mieux que les États-nations - la paix, car les diverses communautés linguistiques ou religieuses du continent, surtout dans les parties centrales et orientales, n'avaient pas de frontières géographiques claires et distinctes. Ces communautés dispersées et mélangées, si elles formaient des majorités nationales d'États-nations, auraient sur leur territoire des minorités indésirables et vulnérables, qui seraient revendiquées par les États voisins. À l'inverse, les peuples d'Europe semblaient opter pour l'indépendance nationale.

Mais qui étaient les peuples et les nations à cette époque ? Quels étaient les éléments qui caractérisaient un peuple et une nation ? "Peuple" au sens de communauté politique et "nation" au sens de communauté culturelle coïncident en France, où ces termes sont mis en avant par les révolutionnaires comme des principes d'application universelle. En France, la nation constituée du pays avait la même langue et la même religion, avait une identité et une histoire distinctes. Dans de nombreuses régions d'Europe, cependant, notamment dans les territoires des Habsbourg*, des Romanov* et des sultans ottomans, il y avait peu de communautés nationales formées et distinctes. Si en Europe occidentale, la langue et, dans une certaine mesure, la religion étaient les principaux éléments de la formation des nations, en Europe centrale et orientale, ces éléments ne se prêtaient pas à un processus ethnogénétique similaire.



L'ère Metternich. Au Congrès de Vienne, Metternich apparaît comme la personnalité dominante, un partisan inflexible de l'autorité, de la légitimité et de la stabilité monarchiques. Bien qu'Autrichien de naissance, il se considérait avant tout comme un Européen et soutenait et promouvait l'idée de l'Europe. Il était ennemi des mouvements nationaux et des États-nations, car ils menaçaient la cohésion de l'Empire des Habsbourg, multilingue et multiethnique, qui "abritait" des Allemands, des Polonais, des Magyars*, des Slaves du Sud, des Slovènes, des Tchèques, etc. et sapaient la vision de l'unité européenne. Il était également un ennemi de la démocratie et du changement radical.

Metternich, Casslery et Talleyrand cherchent à créer les conditions du maintien d'un équilibre permanent des forces en Europe, afin d'éviter la domination d'une grande puissance, comme celle de la France de Napoléon. Afin d'éviter une nouvelle perturbation de la sécurité européenne de la part de la France, un "monticule" d'États puissants est créé à son est : le Royaume des Pays-Bas, auquel s'ajoute la Belgique, ancienne possession de l'Autriche, et le Royaume de Sardaigne, auquel sont annexés le Piémont et Gênes. La neutralité de la Suisse est également déclarée. La Prusse annexe presque tous les territoires allemands à l'est du Rhin et devient une sorte de pont unissant l'Europe occidentale et orientale et séparant la Russie de la France. L'Autriche renforce sa position vis-à-vis de la France par la récupération de la Toscane et de Milan et par l'annexion de Venise. Les victimes de ces arrangements furent les pays italiens et les petits pays germaniques. L'Italie et l'Allemagne restèrent, pendant un autre demi-siècle, des concepts historiques et géographiques, fragmentés en petits royaumes, principautés et duchés, sous l'influence de l'Autriche et de la Prusse respectivement.

La fin de Napoléon et l'établissement de la Sainte-Alliance. Les travaux du congrès sont menacés d'être renversés par Napoléon Bonaparte en exil, qui s'échappe de l'île d'Elbe, son lieu d'exil, en mars 1815, et débarque en France. Napoléon se proclame à nouveau empereur, mais, n'étant plus sans alliés, il affronte les troupes alliées commandées par le général britannique Wellington et le général prussien Blücher dans le village flamand de Waterloo, le 18 juin. Cette bataille historique se solde par la défaite écrasante de Napoléon, qui est contraint de démissionner à nouveau. L'empereur vaincu et déchu est exilé sur l'île de Sainte-Hélène, dans l'Atlantique Sud, où il passe les dernières années de sa vie jusqu'en 1821.

Les puissances européennes victorieuses obligent alors la France à signer un nouveau traité de paix, par lequel elle perd la région de la Sarre, qui avait été occupée par la Prusse, paie des réparations de guerre aux vainqueurs et accepte une armée d'occupation sur son territoire. Le traité de paix est suivi par la signature, le 26 septembre 1815, de la formation de la Sainte-Alliance entre l'Autriche, la Russie et la Prusse, que la Grande-Bretagne s'empresse de condamner. La Sainte-Alliance des trois empereurs avait pour but de stopper la progression des mouvements libéraux et nationalistes. Les trois empereurs, Frédéric-Guillaume III de Prusse, François II d'Autriche et Alexandre Ier de Russie, utilisèrent leur alliance pour dresser une barrière contre les forces promouvant les principes d'autodétermination nationale et de souveraineté populaire, mais ces forces l'emportèrent rapidement.

Le congrès de paix de Vienne rétablit l'"ancien régime" et établit les principes d'équilibre des forces et d'intervention dans le cadre d'un système de sécurité (le Concert de l'Europe), mais les peuples d'Europe avaient déjà entendu les messages des révolutionnaires français. Sous la surface de la restauration, des forces sont à l'œuvre qui remettent en cause les principes sur lesquels elle est fondée. Les libéraux, qui prônent l'introduction de réformes pour garantir un État représentatif constitutionnel et favorable, et les radicaux, qui prônent le renversement des régimes monarchiques pour établir des États non reconstruits, sont désormais en conflit avec les conservateurs, les piliers de la Restauration.

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